Salle comble, hier soir à Crissier. Près d’un demi-millier de personnes, beaucoup de trentenaires, sont venues acclamer l’humoriste Dieudonné et son spectacle «J’ai fait l’con». D’entrée de bal, le comique fonce dans le tas, sa spécialité. Vêtu de noir, il entre sur scène et minaude, «Je le sens pas ce spectacle, je suis sous haute surveillance». Référence directe aux déclarations du conseiller d’Etat Philippe Leuba qui indiquait hier dans 24 heures que les autorités se montreraient extrêmement attentives au moindre dérapage raciste.
Il faut dire que le comique a le don pour le scandale: en décembre dernier, au Zénith de Paris, il avait jugé bon d’accueillir sur scène et de faire ovationner Robert Faurisson, un négationniste notoire. Hier soir, il revient longuement sur les épisodes qui émaillent sa stratégie de la provocation: le choix de Jean-Marie Le Pen comme parrain de l’une de ses filles, son salut hitlérien déguisé en rabbin à la télé chez Fogiel ou l’affaire Faurisson. Pour l’humoriste, il s’agit simplement de trucs promotionnels, de «buzz» pour faire parler de lui: «Les médias se sont déchaînés, m’ont craché à la gueule, traité d’antisémite. La viande sanguinolente, je leur en donne, c’est ce qu’ils aiment». Acclamations du public.
Tout au long du spectacle, «Dieudo» flingue à tout va. Et à la louche. Le beauf raciste qui, au Cameroun, martyrise ces ridicules pygmées amoureux des arbres. Des victimes qu’il dit pouvoir attaquer sans risque, «car leur lobby n’est pas assez puissant»… Applaudissements. Dieudonné tire aussi à vue sur George W. Bush et son laquais Sarkozy. Il torpille la Françafrique à travers un mime plus vrai que nature d’un potentat camerounais encore aux ordres de Paris. Et pan sur la décolonisation mal digérée! Le voyeurisme télévisuel prend aussi une bonne claque. En voilà deux autres pour la mafia des marchands d’armes et le mensonge de Colin Powell devant l’ONU afin de faire avaler la guerre en Irak. Hier soir, à Crissier, il n’y avait pas de déporté des camps pour traverser la scène, comme ce fut le cas à Genève en février dernier. En conclusion de son spectacle, Dieudonné a chanté à la manière de Nougaro le parcours d’un jeune Palestinien qui finit par se faire exploser dans un attentat suicide.
Le comédien est impressionnant, les mimiques font mouche. Et les messages, assénés à grands coups de batte, sont reçus cinq sur cinq. Mais les références répétées à ce qui fait polémique rendent, à la longue, le tout indigeste.